Dominique Bourg, philosophe français: “Le coronavirus nous oblige à un retour vers ce qui fondamentalement important”
Le philosophe français Dominique Bourg, professeur honoraire à l’université de Lausanne eet auteur du livre Le marché contre l’humanité explique dans une interview avec la plateforme d’information 20 Minutes que le coronavirus démontre clairement que la civilisation, telles que nous la connaissons, est bel et bien en train de s’effondrer. Mais selon lui, les fameux collapsologues n’ont que partiellement raison. Dominique Burg garde un peu d’espoir parce qu’il voit uelques germes de la nouvelles économie et parce que plusieurs études confirment qu’une plus grande partie de la population sera prête de changer son comportement après la crise.
Dominique Bourg est formel. La crise du coronavirus marque selon lui effectivement le début de l’effondrement, à entendre comme la convergence de toutes les crises: climatiques, écologiques, biogéophysiques, économiques, qui a été prédit dans Comment tout peut s’effondrer, le livre écrit par Pablo Servigne et Raphaël Stevens et qui est la traduction des idées d’Yves Cochet, l’ancien ministre français de transition écologique.
“Et je m’étonne toujours qu’il y a des gens qui ne le comprennent tjours pas ou qui prétendent ne rien entendre”, explique-t-til.
Depuis plus d’un demi-siècle, on nous dit que notre système n’est pas durable. C’est logique qu’il s’effondre. Vous ne pouvez pas dire d’un côté, ce n’est pas durable, et de l’autre, il va se maintenir à l’infini. C’est absurde. Ce qu’il se passe aujourd’hui ridiculise tous les propos un peu hautains et rigolards autour de la question de l’effondrement.”
La conscience de la nécessité de vivre différemment augmente
L’auteur du livre Le marché contre l’humanité nuance tout de même la vision des collapsologues sur la fin de la civilisation. En tant qu’adepte de Extinction Rebellion i lest plus sur la lignée de Rupert Read à qui nous avons dédié déjà un article que vous pouvez lire ici.
Dominique: “Ce qui se passe avec le coronavirus est une étape importante dans l’effondrement du modèle que nous avons glorifié, mais je ne crois pas dans les scénarios d’un anéantissement total qui fait tout disparaître d’un seul coup, un scénario que l’on voit parfois dans des films apocalyptiques.
Mais la crise actuelle aura un impact beaucoup plus grand qu’une simple prise de conscience. Comparons la crise de 2008-2009 et celle d’aujourd’hui. Elles n’ont rien à voir. En 2008-2009, on a une crise financière qui débouche sur une crise économique, qui, elle-même, débouche sur des dommages sociaux.
Là, nous avons une crise sanitaire, avec la question de la vie et de la mort des gens. Cette crise sanitaire débouche sur le fait de figer l’économie. La mondialisation montre qu’il est plus difficile d’y faire face. Effectivement, les états vont dépenser énormément en étant déjà extrêmement endettés. C’est-à-dire que l’idée même de remboursement de la dette n’a pas forcément de sens après cette crise.
Monde idéal
Dominique Bourg n’a pas abandonné tout espoir. Il estime qu’il y avait déjà pas mal de gens qui avaient décidé de vivre autrement et qu’après la crise leur nombre ne cessera de croître.
Dominique: “Une enuête publiée dans Le Monde au mois de novembre, propose un choix entre trois modèles de société : l’utopie techno-libérale, l’utopie écologique et l’utopie sécuritaire. Elle montre que 55 % des sondés préfèrent la sobriété et la relocalisation des activités. Selon un autre sondage plus de 50 % des sondés sont favorables à la décroissance, contre 45 % pour la croissance verte.
Et lorsque vous ramenez ces chiffres à l’étude de l’institut Jean Jaurès sur la sensibilité dans différents pays à l’effondrement, vous avez 65 % des Français qui sont d’accord avec l’assertion selon laquelle la civilisation telle que nous la connaissons actuellement va s’effondrer dans les années à venir. C’est énorme.
On est déjà entré dans une dynamique culturelle où les gens ont commencé à comprendre que le monde tel qu’ils l’ont connu va disparaître. Ces mesures vont en continuité avec un été à nouveau chaud et la difficulté de notre économie.
Changement de comportement
“Ce que nous montre le Covid-19,” poursuit-il, “c’est ce que nous devrions faire pour le climat. Quand on a affaire à un phénomène qui change d’échelle, des dommages qui changent d’échelle, toutes nos gestions par les techniques s’effondrent.
On ne fait que partiellement face. Et la seule façon de faire face, c’est de revenir aux fondamentaux, et aux comportements. Réduire nos émissions à l’échelle mondiale, vous ne le faites pas avec des techniques, vous le faites avec des comportements.”
Dominique Bourg estime qu’il est toujours possible d’inverser la tendance: “On ne va pas cesser d’avoir des rappels des difficultés du fait qu’on est dans un autre monde. Je fais aussi le pari que la réélection de Donald Trump, c’est mort. Vu l’état du système sanitaire américain, le niveau de pauvreté, le nombre de gens non-assurés qui n’ont pas les moyens de se soigner, c’est sans doute le pays qui sera le plus touché. Le virus se fiche du contexte social. Il touche les riches comme les pauvres. Covid-19 c’est le début d’une déstabilisation en cours. Il n’y aura pas d’après, il y aura un rappel permanent des difficultés, de la fragilité, du caractère non durable de notre société. Je ne vois pas du tout un retour à la normale.”
Un wake-upcall sans précédent
Dominique Bourg est d’avis que Covid-19 s’avéreré finalement salutaire. “Il nous oblige vers les fondamentaux. Il nous contraint à se rendre compte qu’il est impossible de continuer sur la même voie.
Il donne un coup de frein brutal à la foi imperturbable dans une croissance infinie. Ce qui est très bien.”
Encore plus de gens vont se rendre compte que le système actuele est foutu et qu’il est donc nécessaire de construire un nouveau modèle. Le virus nous apprend qu’une accolade et un calin valent tellement plus que 10.000 likes sur les réseaux sociaux. Et qu’on a besoin d’autres définitions des termes ‘croissance’ et ‘succès’. En ce sens, cela me donne un motif d’espérer l’espoir que cet effondrement de la civilisation peut donner lieu à la naissance de quelque chose de tout nouveau et de très beau.”
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