Le fondateur de Castalie Thibault Lamarque s'engage dans la lutte contre les bouteilles en plastique
La société Castalie produit des fontaines à eau pour les restaurants et les entreprises dans le but de diminuer drastiquement les déchets en plastique qui salissent inexorablement nos océans. “Il suffit d’un peu de bonne volonté”, explique son fondateur Thibault Lamarque, “pour lutter tous ensemble contre la folie des bouteilles en plastique. Une nouvelle levée de fonds de quelque 13 millions d’euro facilitera certainement cette lutte.”
Tous les ans, ce ne sont pas moins de 89 milliards de bouteilles plastiques d’eau qui sont vendues dans le monde, soit 2.822 litres d’eau mis en bouteille chaque seconde. Thibault Lamarque a donc créé la société Castalie en 2011, qui produit des fontaines à eau pour lutter contre la folie des bouteilles en plastique.
Le verre ne trouve pas non plus grâce aux yeux de l'entrepreneur car il y a beaucoup trop de kilomètres à parcourir pour faire aboutir par exemple une bouteille de San Pellegrino sur une table de restaurant en Bretagne, en Normandie ou en Belgique.
Forte maintenant de 75 salariés, la petite société s’est développée en neuf ans à bas bruit et de façon très cohérente. Castalie s’enorgueillit de fournir aujourd’hui 2.000 clients dont beaucoup d’hôtels et de restaurants de fontaines à eau, qui filtrent l'eau du robinet, en ôtent le chlore et les résidus de calcaire pour produire une eau neutre en goût, plate ou gazeuse.
Nouvelle levée de fonds
L’argument de vente de Castalie est d’abord écologique. Les autres clients de Castalie sont les entreprises qui, à l'instar de LVHM, équipent leurs bureaux des fontaines Castalie.
Sur la seule année 2019, Castalie a ainsi permis d'éviter la consommation de 24 millions de bouteilles en plastique.
La nouvelle levée de fonds de Castalie de 13 millions d’euros servira à poursuivre la conquête commerciale, auprès des entreprises et des restaurateurs et à soutenir l’innovation sous forme de filtres réutilisables et sous forme d’une transformation des fontaines en objets connectés pour faciliter leur maintenance et donner aux utilisateurs des données chiffrées sur les économies de CO2 qu’ils ont réalisées.
France, plus gros producteur de plastique de la région Méditerranée
Thibault Lamarque est évidemment très content de l’apport de nouveaux fonds, qui sont extrêmement nécessaires. Les chiffres en disent long à ce propos. Il y a tout juste un an, à la veille de la journée mondiale des océans, le WWF (World Wildlife Fund) dressait un bilan accablant sur les déchets plastiques qui terminent dans les mers et les océans.
Le fonds épingle notamment la France, plus gros producteur de plastique de la région Méditerranée, même si l'Hexagone est loin d'être le pays rejetant le plus de déchets dans la mer du même nom.
La France a produit en effet 4,5 millions de tonnes de déchets plastiques en 2016, soit 66,6 kg par personne. Si 98% du total (soit 4,4 millions de tonnes) ont été collectés, 22% seulement de ce tonnage a été recyclé. Les 2% restants génèrent la fuite de 80 000 tonnes de plastique dans la nature, dont 11 200 tonnes ‘pénètrent en Méditerranée’, explique l'ONG.
La pêche, l'aquaculture et le transport maritime sont à l'origine de 9% de cette pollution. Les casiers à crabes, les filets à moules, les conteneurs sont parmi les débris retrouvés, ajoute le WWF. Par ailleurs, les fleuves charrient 12% des 60.000 tonnes de déchets plastiques retrouvés dans cette mer.
Les activités côtières représentent 79% de la pollution, soit 8 800 tonnes. Une situation qui tient à la mauvaise gestion des déchets et à l'impact des activités touristiques et de loisirs.
Impact enveronnemental et répercussions économiques
Selon l'ONG, outre l'impact environnemental, les répercussions sont aussi économiques. Les pertes sont estimées à 12 millions d'euros pour la pêche, à 21 millions pour le commerce maritime (enchevêtrement dans les pales d'hélice, collisions…) et à 40 millions pour le tourisme.
Et pourtant, le coût du nettoyage des côtes est estimé seulement à 3 millions d'euros… Le pire est que ce plastique s'accumule et se dégrade sous forme de microparticules quasi invisibles, contaminant les animaux marins qui les confondent avec le zooplancton. Et ce phénomène est planétaire.
En octobre 2017, des chercheurs allemands ont inventorié les dix plus grands fleuves transporteurs de plastique du monde, dans la revue Environnemental Science & Technology qui seraient à l'origine de 90% des déchets plastiques retrouvés dans les océans. La palme du plus grand pollueur revient au fleuve Yang-Tsé, en Chine, qui chaque année charrie jusqu'à 1,5 million de tonnes de plastique dans l'océan.
Info et intox sur le recyclage
C’est la raison pour laquelle Thibault Lamarque voit l’avenir en rose pour sa société. “Il y a encore énormément de travail”, explique-t-il. “L'eau en bouteille plastique est désormais partout: à la maison, au bureau, dans les salles de sport, la rue, les transports, les gares, les aéroports, les hôtels et même les écoles.
Avec 9 milliards de litres d'eau en bouteille consommés annuellement, la France est dans le trio de tête des pays européens. Le secteur a innové en multipliant les types de contenants en fonction des différents moments de consommation de la journée.
Et le succès a été au rendez-vous avec un chiffre d'affaires en croissance constante de plus de 4 milliards d'euros en 2019. Le bilan écologique des bouteilles en plastique, transportées par la route entre la source et le lieu de consommation, est catastrophique.
Si les embouteilleurs annoncent qu'une bouteille en plastique sur deux est recyclée, la réalité est moins flamboyante: dans les métropoles françaises, moins d'une bouteille en plastique sur dix est recyclée. Il est grand temps que le consommateur ouvre les yeux sur ce véritable fléau environnemental.”
Regardons la face cachée du recyclage
Thibault Lamarque fait remarquer aussi que le recyclage n’est pas le panacée. “Il y a bien une face cachée : énergie, eau et produits chimiques employés, qualité moindre du plastique recyclé, scandale de la sous-traitance à des pays du tiers-monde peu regardants sur les conditions de recyclage.
Contrairement aux idées reçues, le plastique recyclé n'est ni une ressource ni une matière première comme une autre, et en aucun cas un maillon de l'économie circulaire.
Pourquoi tant de bouteilles en plastique, alors qu'une eau potable d'excellente qualité coule de nos robinets?” poursuit-il. “Près de 90% des Français lui font d'ailleurs confiance même s'ils lui reprochent souvent son goût chloré — garantie d'une qualité bactériologique parfaite.
Dans l'espace public, l'eau du robinet a cédé la place à l'eau en bouteille, qui génère des tonnes de déchets inutiles. Malgré la communication des régies de production d'eau potable sur la qualité de leur eau, le combat est-il équitable face aux multinationales du plastique Nestlé, Coca-Cola et Danone aux budgets marketing colossaux?”
La bouteille en plastique est une aberration
“Comme l'amiante et les cigarettes hier, le diesel aujourd'hui, la bouteille en plastique est une aberration que nous regarderons amèrement demain”, souligne Thibault Lamarque.
“Dans sa politique générale, la France a donné la priorité à la lutte contre le gaspillage. Il faut, à mon avis, aller plus loin en mettant en œuvre des mesures simples: lancer une campagne nationale de sensibilisation sur la chaîne du plastique, pour comprendre les limites du recyclage. Imposer la fin des bouteilles en plastique dans les administrations et les écoles, et la distribution de gourdes réutilisables. Promouvoir l'eau du robinet pour tous via une campagne nationale. Interdire la mise en avant de personnages de dessin animé sur les bouteilles à destination des enfants. Réglementer strictement les placements de produits de bouteilles en plastique dans les films et séries. Taxer les plus petits formats de bouteilles d'eau en plastique et multiplier les points d'eau potable dans les espaces publics.
Il est temps d'encourager de nouveaux gestes et de créer de nouveaux réflexes de consommation. Une chose est certaine : la meilleure bouteille en plastique n'est pas celle qui est recyclée, mais c'est celle qui n'est pas produite.”